Interview de Lukasz Urbaniak sur une radio locale

Transcription et traduction (extraits) de l’interview de Łukasz URBANIAK
réalisé par Magda Jasińska
Magda Jasińska :
Łukasz Urbaniak est dans notre studio, compositeur qui aime parfois nous rendre visite et parler
de sa vie de compositeur, surtout quand il a de quoi se vanter.
Bonjour.
Lukasz Urbaniak : Bonjour.
MJ : Parlez-nous, où allez-vous et pour quelle raison ?
LU : Eh bien, il se trouve que cette fois-ci, je me rends en France pour la représentation de ma
messe en l’honneur de Saint Adalbert, "Missa in Honorem Sancti Adalberti", une messe composée
en 2016. Elle a été commandée et créée à Poznań, interprétée par le chœur Poznańskie Górka
Muralne sous la direction de Bartosz Michałowski.
La représentation a également eu lieu à Bydgoszcz la même année. On pourrait dire qu’elle a
passé un moment, disons, un peu au fond d’un tiroir, un peu sur Internet. Et il s’est trouvé que
l’année dernière, une seconde occasion s’est présentée pour présenter cette messe, cette fois à
l’étranger. Et il s’est avéré que ce concert aura lieu très bientôt.
MJ : Mais quelqu’un de l’étranger, un des chœurs, a-t-il simplement déniché cette composition, ou
bien avez-vous envoyé une proposition aux chœurs ? Comment cela s’est-il passé ?
LU : Non, non, je n’ai pas l’habitude d’envoyer des propositions. La plupart du temps, les chœurs
me contactent via Messenger, vous voyez ? Je suis disponible quelque part sur Internet.
MJ : Et comment ont-ils entendu parler de cette messe ? Leur avez-vous demandé ? Comment
ont-ils découvert cette messe ?
LU : Eh bien, j’ai ensuite reçu un long mail explicatif de Mme Michèle Hus, la cheffe de chœur de
cet ensemble de la ville de Thann en France. Elle m’a simplement écrit qu’elle était tombée sur
cette messe en ligne et que l'œuvre lui plaisait stylistiquement. La composition n’a pas non plus
une grande formation instrumentale : il y a un quintette à vent, des cuivres, des timbales et des
cloches, ce qui donne une structure d’accompagnement facile à préparer, sans besoin de déployer
de grandes forces orchestrales. Et pourtant, le rendu sonore est, je dirais, assez impressionnant.
D’ailleurs, j’ai entendu une messe avec une formation similaire sur l’autel de Częstochowa. C’était
alors une œuvre du professeur Moryto, aussi pour quintette à vent et timbales. Et ce son m’a
vraiment marqué intérieurement. Je me suis alors demandé : et si j’ajoutais à cela des cloches
tubulaires ? L’effet serait probablement similaire.
Il y a une chose que la cheffe de chœur a mentionnée, qui a influencé leur décision de jouer cette
messe. C’est simplement que la partition est disponible, bien que ce ne soit qu’un tout petit détail,
comme elle l’a précisé. Avant tout, la messe lui plaisait. La messe a été découverte par un
trompettiste du quintette à vent basé à Mulhouse. C’est lui qui a suggéré cette messe à la cheffe
de chœur. Elle a ensuite présenté l’œuvre aux choristes. Ils ont unanimement reconnu que l’œuvre
était magnifique et ont décidé qu’ils voulaient la jouer. En plus, c’est le jubilé des 30 ans de ce
chœur. Donc, un curieux enchaînement d’événements, de circonstances diverses, de cette bonne
énergie, a conduit à cette représentation.
MJ : Ils ont également invité le compositeur, vous, à venir. [...] Quand partez-vous et précisément
où vous rendez-vous ?
LU : Je vais emmener ma fille aînée à cet événement. Nous prendrons l’avion le 29 mars de
Varsovie vers cet aéroport qui dessert Mulhouse, Fribourg et Bâle, car cette localité est en Alsace,à la frontière entre la France, l’Allemagne et la Suisse. De là, nous irons à une cinquantaine de
kilomètres pour rejoindre la ville de Thann.
Là-bas se trouve une magnifique cathédrale. C’est là que se dérouleront les célébrations
principales, marquant le jubilé de ce chœur. Nous y resterons au total trois jours, car il y aura
également une autre représentation le 29, dans une localité appelée Dannemarie.
[...]. Lundi, nous avons aussi prévu une petite excursion dans les environs.
Je tiens aussi à souligner que le chœur et la secrétaire, avec qui je corresponds depuis plusieurs
mois, sont des personnes très aimables. On ressent une énergie vraiment positive de leur part. De
plus, ils mettent en avant dans les informations publiées sur les sites français que le compositeur
sera présent en personne. Pour eux, c’est...
MJ : ...Un événement.
LU : Oui, c’est un événement pour eux, car ce n’est pas une ville comme Paris ou Marseille. Nous
sommes en Alsace, une belle région. Le quintette, c’est un ensemble professionnel issu du
conservatoire de Mulhouse. Le chœur, quant à lui, est amateur, mais il chante à un niveau élevé,
car j’ai entendu leurs performances. Et j’ai l’impression qu’ils ne se sentent pas limités ou
complexés. Ils ont simplement envie, le besoin, de jouer cette œuvre. Elle leur plaît.
MJ : Et ils chantent, n’est-ce pas ?
LU : Oui, ils chantent, et cela me réjouit beaucoup. Lorsque je me rendrai à cet échauffement, à ce
premier concert, ce sera aussi pour leur donner quelques indications supplémentaires. Je pense
que oui, que j’écouterai, mais je n’attends pas de résultat extraordinaire, vous voyez ? Je ne veux
pas utiliser un mot trop fort ou négatif. En fait, ce qui me fait plaisir, c’est simplement l’exécution
elle-même, cette joie qui accompagne cette interprétation. C’est ça qui est important. Quant à
savoir si ce sera chanté à la perfection, c’est une question de goût, d’esthétique, de nombreux
facteurs. Cela peut dépendre du jour également. Un jour, quelque chose peut sortir
magnifiquement, et un autre jour, un peu moins bien. Mais j’ai appris à ne pas être... disons, trop
sévère dans mes évaluations.
Oui, à prendre du recul. Voilà, j’ai pris du recul. Ce qui compte avant tout, c’est cette rencontre, cet
échange d’expériences musicales. Et je pense qu’il est aussi important de mentionner Saint
Adalbert lui-même, qui est le premier martyr de la Pologne, le patron non seulement de notre pays,
mais aussi de la Hongrie, de la Tchéquie, et peut-être un peu moins en France.
Cependant, rappelons que l'Alsace, tout comme Bydgoszcz, appartenait à l'Empire allemand dans
la seconde moitié du XIXe siècle. Il y a donc ici, quelque part, des racines communes entre
Bydgoszcz et Mulhouse. Et ce qui est intéressant, c'est que Mme Michèle Kandera, la secrétaire
de ce chœur, m'a demandé dans quelle langue je communiquais, et elle a également posé des
questions sur l'allemand. Cela m'a un peu surpris, mais une fois que j'ai pris conscience de ce
contexte historique, j'ai compris que pour eux, la deuxième langue est l'allemand, et non forcément
l'anglais. Je pense donc que nous combinerons l'anglais et l'allemand. Ma fille parle un peu
français, donc nous trouverons sûrement un terrain d'entente linguistique.
MJ : Une messe nous évoque une œuvre de grande envergure. Quelle est la taille de cette
composition ?
LU : C'est une grande œuvre. C'est une forme imposante. Elle dure environ 44 minutes au total.
C'est un véritable défi d'apprentissage. Oui, j'admire vraiment ce chœur. Je me souviens de cette
représentation à Bydgoszcz en 2016, lorsque nous étions également à la rédaction avec Bartosz
Michałowski, qui a beaucoup parlé de cette œuvre. En France, deux parties en polonais ne seront
pas interprétées, mais sur les 13 parties, il y en aura tout de même 11. Cela reste donc une
grande forme, un grand défi pour l’ensemble. La messe a aussi une particularité : elle intègre la
participation du public.
MJ : Que voulez-vous dire ?
LU : C’était une idée de Bartosz Michałowski d’impliquer le public dans l’interprétation de cette
messe. À la fois à Poznań et à Bydgoszcz.
MJ : Et cela a fonctionné ?
Oui, c’était une expérience vraiment magnifique. Par exemple, dans le Kyrie, il y a une phrase
chantée par le chœur. C’est, bien sûr, du point de vue musical, une phrase relativement simple,
mais elle a son propre charme, son atmosphère. Et au moment où toute l’assemblée reprend cette
phrase, c’est une sensation incroyable. Un peu comme une psalmodie à l’église entre l’organiste et
les fidèles.
MJ : Et quoi d’autre ?
LU : Parfois, le public récite des fragments de texte, chuchote, joue des petites clochettes, des
claves, ou frotte des objets. Avec les mains, ils produisent divers autres sons et, de cette manière,
ils s'engagent dans cette interprétation. C'est une innovation particulière de cette messe.
Cependant, je ne sais pas si elle sera réalisée de la même manière en France. Peut-être y aura-t-il
une certaine surprise.
MJ : Et est-ce que cela figure dans la partition ?
LU : Oui, oui, cette information est incluse dans la partition, mais de mon point de vue, je l'ai
abordée avec une certaine réserve, vous voyez ? Parce que je me rends compte que c'est aussi
une charge supplémentaire. À Bydgoszcz et à Poznań, il y avait deux chefs d'orchestre qui se
tenaient dans les nefs latérales de l'église et devaient transmettre certaines instructions au public.
Tout s'est bien passé, bien sûr, mais je me rends compte que ce n'est pas possible dans toutes les
conditions.
MJ : Et c'est peut-être la plus grande joie, lorsque l'œuvre, l'enfant d'un compositeur, est
interprétée et prend vie, n'est-ce pas ?
LU : Oui, parfois je souris intérieurement en me disant que certains de mes petits soucis de santé
actuels sont probablement le résultat de nuits blanches passées sur cette messe et de divers
"soutiens énergétiques", je l'avoue, comme des sucreries. [...] Composer, dans notre pays, est
une activité que l'on peut qualifier d'assez élitiste et qui, malheureusement, n'apporte pas de
bénéfices financiers, car les heures passées à perfectionner et à peaufiner les moindres détails...
Mais j'ai aussi appris à ne pas considérer cela comme une activité rémunératrice. Cela m'a
demandé une certaine remise en question de ma façon de penser, mais j'en suis arrivé à cette
conclusion : pour être compositeur, il faut avant tout écrire.
MJ : Łukasz Urbaniak promet qu'à son retour en avril, nous nous retrouverons ici pour en parler.
LU : Bien sûr, y compris des sujets culinaires. Ma fille est impatiente.
|